Les hommes du Canal

un éclusier, agent d'exploitation des VNFQuand on évoque les personnes qui travaillent pour le Canal, on pense en premier lieu aux éclusiers. C'est en effet sur les écluses que, pendant la pleine saison de mai à octobre, la plupart du personnel des Voies Navigables de France est occupé.

350 personnes travaillent toute l'année pour faire fonctionner le Canal. Ce sont des employés du ministère de l'équipement qui sont mis à disposition des VNF. Hommes ou femmes, mais en majorité des hommes, ils sont cadres, personnels administratifs et surtout agents d'exploitation. Il n'y a pas de filière particulière pour devenir éclusier. Il faut passer un concours administratif de l'équipement pour devenir agent d'exploitation.
Certains sont éclusiers, d'autres agent d'entretien mais l'été, tout le monde travaille sur les écluses. En effet, il faut assurer le service 7 jours sur 7 et jusqu'à 10 heures par jour ce qui fait un total de 70 heures de travail par semaine qui ne peuvent être faites par la même personne. C'est pourquoi vous rencontrerez souvent l'été de jeunes vacataire qui assurent ces postes pour la saison.

Il y a donc plus d'éclusier que d'écluse. De ce fait, ils n'ont pas tous la possibilité d'habiter une maison éclusière. Ceux qui ont cette chance sont logés gratuitement et doivent de ce fait une astreinte de 120 h par semaine. Contrairement aux autres agents, ils doivent aussi un travail d'entretien des abords des écluses, plus ou moins important selon que l'écluse est électrifiée ou manuelle. Les maisons éclusières appartiennent donc à l'état et sont mises à disposition des éclusiers à titre gracieux.
Tous les ans, une période de chômage commence au début novembre pour s'achever à la mi-janvier. Mais chômage ne signifie pas vacances pour les agents Un véritable aspirateur de vase monté sur une barged'exploitation qui profitent de cette période pour effectuer tous les gros travaux d'entretien : réparation des ouvrages sous l'eau, étanchéification et réparation des portes d'écluses, curage des sas... Pour ces travaux, on vide des portions de Canal ou on isole un ouvrage en posant des batardeaux, poutres glissées dans des encoches juste avant la porte amont, pressées et étanchéifiées afin de pouvoir vider l'écluse uniquement.

Des travaux plus importants de construction ou modification d'ouvrages sont parfois réalisés. Ce fut le cas notamment lorsque, dans les années 70, on voulu relancer le trafic de transport de marchandises sur le déclin. On a construit des ouvrages pour accélérer le passage sur les points névralgiques (pente d'eau de Fonsérannes). On a aussi modifié des écluses et ramené certaines d'entre elles de 2 sas à 1 seul. C'est à cette époque que l'écluse ronde d'Agde a été agrandie afin de permettre le passage à des péniches plus longues. Des ponts enfin ont été surélevés pour permettre le passage des plus grosses. Mais ces efforts pour sauver le transport de marchandises ont été inutiles, il était trop tard et quand bien même on s'y serait pris plus tôt, la concurrence du rail et surtout la route aurait-elle certainement eu le dernier mot. Restent des ouvrages parfois dénaturés (bassin rond d'Agde) ou inutiles en l'état (pente d'eau de Fonsérannes) qu'il coûterait trop cher de remettre en état d'origine ou de rentabiliser au vu du seul trafic de plaisance.

Les éclusiers sont les compagnons des voyageurs de la voie d'eau, qu'ils soient en bateau ou à vélo, tout au long de leur périple. Ils sont des hommes ou des femmes, jeunes ou moins jeunes qui aideront les navigateurs dans leurs manœuvres de franchissement. Ils proposent souvent à la vente des produits locaux comme une bouteille de bon vin de la région traversée (voir la page des vins). Les plaisanciers ne devront pas Le Pont de Caylus à Portiragnes, avant et après qu'il ait été réhaussé dans les années 70hésiter à remercier les plus méritants ou les plus sympathiques avec un petit pourboire. Il faut aussi tirer son chapeau aux personnes qui travaillent pendant l'été à l'escalier d'écluses de Fonsérannes qui connaît une forte affluence aussi bien en bateaux et péniches qu'en spectateurs toujours nombreux et parfois indisciplinés.
En période calme, les éclusiers gèrent parfois 2 ou 3 écluses et vous suivent pour vous ouvrir les portes au fur et à mesure de votre progression.
Bien que cela dépende des tailles des écluses qui sont variables comme celles des bateaux, il est la plupart du temps possible de faire entrer 4 bateaux simultanément dans le sas. Un éclusier a en principe 20 minutes pour écluser un bateau. Mais si vous l'aidez, vous mettrez 6 à 9 minutes avec un peu d'entraînement.
Ce que l'éclusier apprécie le plus, c'est de rencontrer des gens souriants à qui il pourra rendre le 'bonjour' et avec qui il échangera quelques mots.
Malgré le développement de l'automatisation sur certains canaux, Pascal Gauquie, éclusier à Portiragnes, nous explique pourquoi la présence de ces employés du ministère de l'équipement se justifie encore pleinement. Leurs fonctions sont multiples.
Tout d'abord, ce sont eux qui doivent gérer au mieux, à partir des informations que leur donnent leurs collègues des écluses précédentes, les passages de bateaux en limitant les attentes.
Ce sont eux aussi qui, dès le matin, doivent contrôler la côte d'eau dans le bief amont et faire en sorte que celui-ci soit au bon niveau en évacuant de l'eau ou en demandant à l'éclusier amont d'en lâcher. Une baisse importante du niveau d'un bief qui peut avoir des conséquences graves.
L'éclusier de Portiragnes à la manoeuvreMais la raison d'être principale des éclusiers du Canal du Midi n'est pas là. Ces tâches pourraient être automatisées. La forte fréquentation du canal et le manque d'expérience de la plupart des personnes qui l'empruntent rendent les manœuvres dans les écluses de plus en plus dangereuses. Les éclusiers ont un rôle prépondérant en matière de sécurité.
"Je me souviens de ce couple d'Italiens." raconte M.Gauquie. "C'était un jour de pluie. Le bateau est entré dans le sas sans que l'un d'eux descende sur les bords de l'écluse pour l'amarrage. L'homme a essayé de lancer le cordage, a manqué son coup et, en voulant rattraper l'amarre, est tombé à l'eau. Il ne savait pas nager et menaçait de se noyer. C'est qu'il y a 2m50 l'eau dans une écluse vide! Le propriétaire du voilier qui était aussi dans le sas a lancé une bouée à l'homme qui s'y est fermement accroché. Mais le moteur du bateau était resté embrayé et l'hélice risquait de le blesser. La femme, voulant aider son mari est tombée à son tour. Elle ne savait pas nager non plus et coulait." M.Gauquie, voyant la gravité de la situation n'a pas hésité. Il a sauté à bord du bateau, débrayé le moteur puis plongé dans l'écluse pour porter secours à l'infortunée Italienne. Non sans difficulté, il réussit à la mener à l'échelle qui lui permis de sortir du piège. Les deux rescapés sont revenus le lendemain pour remercier leur sauveur. Mais que se serait-il passé si l'écluse avait été automatique? On compte en moyenne 2 ou 3 chutes par saison dans les sas de chaque écluse!
L'éclusier a aussi un fonction d'information voir de formation. A Portiragnes, les personnes qui ont loué un bateau à Port Cassafières ou à Agde n'ont pas encore franchi d'écluse. L'éclusier se fait un devoir de leur expliquer en détail la manœuvre lorsqu'elle n'est pas maîtrisée.
Enfin et peut être surtout, un éclusier apporte vie et convivialité à l'écluse et les échanges avec spectateurs et acteurs de la voie d'eau, mêmes s'ils sont souvent éphémères, n'en sont pas moins chaleureux.